Twitter : mes 6 règles pour des débats plus constructifs

Mais qu’est-ce qu’il m’a encore pris ? Dimanche soir, à la clôture d’un dimanche trop paisible, je profite de quelques dégagements en touche pendant un OL-OM enthousiasmant pour faire du sport du pouce. J’ouvre Twitter et hop, petits mouvements de haut en bas pour faire défiler une timeline inépuisable. Quand soudain, déconcentré comme je le suis trop souvent, je commets l’erreur d’entamer un débat sur un de ces sujets qui déchaînent inévitablement les passions. Ce dimanche soir : l’homéopathie.

Dans ma tête, les choses sont plus claires que mon tweet : ayant lu autrefois quelques études sur le sujet, je sais que l’homéopathie n’a pas plus d’efficacité qu’un placebo, et je me place donc d’emblée dans le débat avec ce postulat. Et je sais aussi que l’effet placebo peut avoir pour certaines pathologies une fonction thérapeutique réelle et étonnante qui est liée au pouvoir de suggestion du médecin, lequel me semblait renforcé par le pouvoir de prescription.

En gros, ce que je voulais donc dire, c’est que si la personne guérit parce que le médecin, le pharmacien et le fournisseur de placebos lui mentent, peu m’importe la science, seul le résultat m’importe. Et que s’il faut rembourser le placebo pour entretenir un mensonge qui permet aux malades de guérir sans avoir à prendre des médicaments de chimie de synthèse qui peuvent avoir des effets nocifs alors que ces médicaments ne seraient pas utiles au cas traité, je suis pour ce remboursement. Je me plaçais là dans une éthique d’école conséquentialiste, par opposition au courant croissant des partisans de la seule vérité scientifique qui sont d’école déontologique. Et je pense que ces deux écoles sont tout aussi acceptables l’une que l’autre et qu’elles peuvent discuter l’une avec l’autre.

Je savais bien sûr qu’en abordant le sujet de l’homéopathie j’allais déclencher des réactions, mais puisque j’essaye de ne pas m’habituer à une trop confortable auto-censure qui m’ennuie, j’ai quand même tweeté. Dimanche soir, le débat, musclé, est resté très cordial et instructif.

Ce qui m’a fait dire lundi matin :

La bonne surprise fut toutefois de courte durée. Lundi après-midi, le débat cordial s’est d’un seul coup transformé en harcèlement à petite échelle (rien à voir avec ce que subissent les personnes vraiment harcelées sur Twitter), avec un point commun sur la méthode. Plutôt que de répondre au tweet initial et ainsi de participer à la conversation, mes détracteurs convaincus que je voulais rembourser les bisous magiques et soigner les cancers avec du sucre employaient la fonction « citer » de Twitter, qui permet d’ajouter un commentaire au dessus d’un retweet, dans l’objectif très clair de sortir de la conversation avec « mes » followers pour que « leurs » followers me tombent dessus. Et puisqu’une partie de « leurs » followers appliquent les mêmes méthodes, c’est exponentiel.

Nécessairement, ça aboutit à des choses beaucoup moins cordiales :

C’est ça qui fait que malheureusement, l’auto-censure qui est le poison lent de la démocratie devient une protection nécessaire pour ceux qui n’ont pas le cuir (très) épais sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Twitter où les comportements tribaux et pavloviens sont monnaie courante. Avoir un échange de points de vue différents avec des gens intelligents est possible, mais il se trouve toujours un con pour rameuter ses semblables, qui donnent l’impression d’être le plus grand nombre. Et c’est tellement usant que moi-même, alors que j’ai toujours eu une passion quasi perverse pour les débats, j’évite désormais souvent de les provoquer.

Je déteste cette époque où l’on ne cherche plus à comprendre ce que veut dire l’autre ou pourquoi il le dit, mais où on l’attaque pour un bout de phrase, un tweet, un mot, dans le but de le dissuader de re-dire ce qu’il pense ou pour dissuader les autres d’oser dire qu’ils sont d’accord. Cette époque me fatigue. Elle m’épuise, nerveusement. Ce blog est la petite bulle d’oxygène que je m’offre pour me permettre d’écrire ce que je pense sans être interrompu tous les 280 caractères.

6 règles à suivre pour être un meilleur tweeteur

Néanmoins je ne m’arrêterai pas de tweeter, et je veux encore croire qu’il est possible d’améliorer les choses si l’on adopte chacun un comportement plus responsable, et qu’on appelle les autres à le faire aussi.

Moi-même sur Twitter j’ai pu me rendre coupable d’initier ces comportements tribaux stupides en citant parfois des tweets pour m’en moquer ou dénoncer l’autre qui ne pensait pas comme moi. Depuis un assez long moment j’essaye de ne plus jamais le faire. Je me suis fixé 6 règles :

  1. Ne plus citer les tweets en y ajoutant mon commentaire dans un réflexe égotique malsain, mais plutôt retweeter directement ce que je trouve intéressant pour « mes » followers ;
  2. Répondre directement au tweet si j’ai quelque chose à en dire plutôt que de le citer pour ajouter ma réponse au dessus et en dehors du fil de discussion initial ;
  3. Ne citer un tweet que dans l’objectif d’apporter un complément d’informations utile à la compréhension du tweet, ou d’ouvrir une discussion distincte sous un angle qui n’est pas celui d’origine ; (edit : aussi faisable pour une vanne, si elle respecte le point 4)
  4. Ne jamais tweeter aux dépens d’un autre (pas d’attaque ad hominem, de tentative de ridiculiser quelqu’un, d’accuser de mauvaise opinion, etc.)
  5. Etre constructif dans les réponses. Si je ne suis pas d’accord, expliquer pourquoi en apportant des arguments.
  6. Accepter d’avoir tort et le reconnaître. Un débat ne sert à rien si on l’entame avec pour objectif de faire changer d’avis, sans être prêt à changer d’avis soi-même. Si un argument m’a convaincu ou neutralise mon argumentation, je le dis.

Je ne dis pas que j’arriverai à tenir ces lignes directrices en toutes circonstances, mais exposer ces règles devant vous est un appel à la sanction. Si vous me voyez en dévier, rappelez-les moi.

7 thoughts on “Twitter : mes 6 règles pour des débats plus constructifs”

  1. Hello !
    Merci pour cette réflexion et la démarche qui va dans le bon sens. Beaucoup de choses intéressantes déjà. Lançons le débat, analysons les usages, cherchons les bonnes pratiques. Écrivons une charte ! (comme à la grande époque 😉
    Au delà de cette note, seriez vous prêt à jouer le rôle d’animateur de « plateforme » permettant de recenser, de formaliser les analyses et les bonnes pratiques, et de les proposer à la délibération ?
    What do you think ?
    Bonne journée
    Zeyesnidzeno

  2. C’est ambitieux, bien sur. Ça supposerait de bien cadrer les choses. Voici une première ébauche des objectifs qui pourraient être visés.

    Constat : Nous sommes attachés à Twitter et à ce qu’il permet de réaliser (lire, apprendre, partager, communiquer, échanger, débattre…) mais le climat et la qualité des débats se dégradent fortement.

    Objectif général : Réfléchir aux conditions (usages principalement – très compliqué de charter autre chose) permettant de favoriser l’émergence de débats constructifs.

    Analyse des usages qui produisent de l’échange / qui produisent du conflit stérile (ce que vous avez commencé à faire dans cette note).

    Construction de proposition / Débat / Délibération / Recommandation et promotion des usages « vertueux »

    Définition d’une charte que des profils peuvent revendiquer, en favorisant les échanges avec les profils l’ayant eux aussi adopté (et dont on espère qu’ils sont nombreux).

    Sous quelle forme ? Avec quel moyen ? La, je m’en remets à votre expertise produits techs, il doit y avoir des outils collaboratifs qui permettent de structurer et formaliser ce type de concertation / délibération.

    Je vais essayer de retrouver les débats autour d’une tentative de « Charte éthique » portée par des bloggeurs dans les années 2005/2007. Il y a peut être des choses intéressantes à en tirer (mais les usages étaient alors très différents).

    Voilà quelques premières idées.

  3. Super 🙂
    Je vous enverrai qq propositions pour envisager les premières étapes.
    Vous me direz ce que vous en pensez.
    Je vais en parler à 3/4 comptes qui je pense auront aussi un avis intéressant à partager.
    Je peux vous joindre ailleurs qu’ici ?

  4. Ma règle unique : si le débat doit être développé, il le sera dans un billet de blog qui sera ecrit posément sans la nervosité de l’instant et peut amener des développements en commentaires ou autres billets liés.
    Je suis d’accord pour l’homeopathie et malheureusement la science ne sait pas encore tout demontrer. J’en ai été temoin récemment ( mon billet histoire feline ). On touche en effet à une guéguerre stérile sur le sujet dont je ne comprend pas la source, sinon financière. Je connais des médicaments remboursés et plus dangereux que ça.

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