Ma charte éthique Twitter contre le harcèlement et pour des débats constructifs

J’ai préparé cette Charte pour me l’appliquer à moi-même sur mon compte Twitter et pour vous permettre, chaque fois que j’y dérogerai, de me rappeler aux règles éthiques que j’aurai moi-même fixées. Si vous me suivez sur Twitter, je vous invite à adopter également cette charte et à le faire savoir. Cette charte vise à contribuer à ce que Twitter puisse (re)devenir un lieu de débats constructifs et à limiter les risques de cyberharcèlement.

(licence CC by 2.0, version à jour au 31 décembre 2018)

Article 1 – Les devoirs que je m’impose

1.1. Répondre directement aux tweets plutôt que de les citer : par principe, je réponds directement à un tweet qui m’inspire un commentaire, plutôt que de le citer en ajoutant ma réaction au dessus. (Explication : Cette pratique doit m’éviter de faire passer mon égo au dessus de la possibilité pour chacun de suivre une discussion d’un bout à l’autre. Elle évitera de faire sortir de son contexte un tweet pour l’offrir en pâture à ceux qui me lisent, ce qui est toujours propice aux harcèlements. )

Par exception à ce qui précède, je pourrai extraire un tweet en le citant pour publier mon propre commentaire uniquement si cette démarche a pour but de provoquer une autre discussion sur un sujet connexe ou sous un autre angle qui parasiterait la discussion initiale, d’attirer l’attention sur un message de façon positive, ou s’il vise à faire de l’humour sans que cet humour soit tenté au détriment d’une personne ou d’un groupe de personnes.

1.2 Ne pas tweeter au détriment de quelqu’un : mes tweets ne doivent pas avoir pour but de me moquer avec condescendance d’un tiers. Ils ne doivent pas non plus servir à m’indigner publiquement de ce qu’il aura publié, en particulier s’il ne s’agit pas d’un personnage public dont les fonctions ou mandats confèrent un caractère particulier à la prise de parole. (Explication : les gens doivent pouvoir dire ce qu’ils pensent et avoir le droit de faire des erreurs ou d’être excessifs sans craindre d’être tournés au ridicule en public ou de voir s’abattre des torrents de tweets moqueurs ou indignés. Je préfère le droit à l’erreur plutôt que l’incitation à l’autocensure)

1.3. Argumenter mes désaccords. Lorsque je ne suis pas d’accord avec un tweet et si je souhaite exprimer mon désaccord, je dois apporter des arguments à l’appui de ce désaccord. Je ne dois jamais me contenter de dire que l’autre a tort sans lui expliquer pourquoi je pense qu’il a tort. (Explication : ne pas argumenter c’est ne pas permettre à l’autre de comprendre pourquoi je suis en désaccord, et donc ne pas lui offrir la possibilité de répondre par ses propres arguments. Ce serait au fond ne pas prendre le risque de voir mes propres convictions démenties. En m’obligeant à argumenter, je m’oblige à m’assurer que mes convictions sont fondées sur des faits et une logique, et non sur une croyance doctrinale).

1.4. Reconnaître quand j’ai tort. Si je n’ai plus d’argument à opposer à l’autre, je dois reconnaître que ses arguments m’ont convaincu ou me font douter. Si je décide de débattre d’un sujet avec un tiers, je ne quitte pas le débat sans avoir répondu aux arguments présentés ou sans reconnaître que je n’ai pas d’argument à opposer. (Explication : un débat ne peut être constructif que si ceux qui débattent acceptent l’hypothèse d’être convaincus par l’autre. Sinon la discussion ne peut que tourner à la mauvaise foi d’un côté et/ou de l’autre, ce qui mine la qualité des discussions. Il est une politesse élémentaire du débat que de dire quand on a été convaicu)

1.5. Ne pas coller une étiquette idéologique à mes interlocuteurs ou à leurs sources. Je ne juge pas l’argumentation des tiers en fonction de leur étiquette politique ou idéologique, réelle ou supposée, ni au regard de leurs fréquentations ou des sources sur lesquelles ils se reposent. J’éviterai d’utiliser des qualificatifs pour catégoriser l’argumentaire d’un tiers (par ex. « ultra libéral », « gauchiste », « complotiste », « macroniste », « extrémiste », « facho »,…), et je ne leur reprocherai pas d’utiliser telle ou telle source sans leur expliquer pourquoi, le cas échéant, l’information qu’elle délivre n’est pas exacte ou présente un point de vue contestable.
(Explications : l’étiquette est un procédé trop souvent utilisé pour discréditer la parole de l’autre sans y répondre sur le fond. Elle est d’autant plus à éviter qu’elle nie le droit de l’autre d’évoluer dans ses modes de pensée, les étiquettes étant souvent bien plus rapides à mettre qu’à défaire, et qu’elle encourage implicitement les bulles de filtre — les fachos peuvent parler aux fachos, les gauchos aux gauchos, mais on refuse de s’adresser à qui a un étiquette qui déplaît. Enfin ceux qui sont prompts à mettre des étiquettes détestent qu’on leur en colle une à eux)

1.6. Ne pas confondre la personne et une organisation dont il est membre ou employé. Je reconnais que toute organisation peut accueillir en son sein des opinions diverses et ne considère jamais que le point de vue d’une personne engage l’organisation dont il membre ou employé. Sauf dans l’éventualité où la personne s’exprime en qualité de membre de cette organisation sur un sujet qui l’intéresse directement, je n’utilise donc pas le nom de l’organisation pour la convoquer en témoin. (Explications : les gens doivent pouvoir dire pour ou avec qui ils travaillent sans que cette transparence ne se retournent contre eux, par une forme d’intimidation propice à l’autocensure. Les internautes assument leurs seuls propos et nul autre qu’eux ne doivent les assumer à leur place, sauf s’ils ont une fonction de porte-parole et qu’ils s’expriment dans ce cadre)

1.7. Eviter de publier ou relayer de fausses informations. Avant de publier ce qui semble être une info ou de retweeter une telle info, je fais un effort de vérification (source, date, interprétation…). J’évite de rebondir sur le titre d’une actualité sans m’être assuré qu’il correspond bien au contenu de l’article ou de relayer une présentation exagérément biaisée des faits. (Explication : les intox que je diffuse polluent mes propres tweets mais aussi ceux des autres qui les relayent. C’est une responsabilité collective d’éviter la pollution de l’information, pour retrouver des débats appuyés sur des infos et points de vue étayés)

1.8. Ne pas insulter, diffamer ou injurier. Je garde un ton constructif dans mes échanges et évite toute forme d’agression verbale.

1.9. Effacer les tweets qui violent cette Charte. Dans le cas où je dérogerais aux principes fixés par cette Charte, je m’engage à supprimer le tweet en cause quel que soit le nombre de retweets, likes ou réponses, et je reconnaitrai ma faute.

Article 2. Les droits que vous me reconnaissez

2.1. Mettre fin à, ou ignorer une discussion contraire à cette Charte. Les engagements que je prends me donnent le droit de refuser en retour de discuter avec toute personne qui n’adopterait pas un comportement équivalent dans ses relations avec moi ou avec des tiers. Le cas échéant, si possible, je renverrai à la présente Charte pour l’expliquer.

2.2. Discuter avec qui je veux et relayer les infos que je veux. Je ne fais pas de tri entre les personnes avec qui je parle et considère que tout être humain est digne d’avoir avec lui une discussion tant qu’elle peut être constructive. J’attends des tiers qu’ils ne me jugent pas selon les autres personnes avec qui je parle. Je me sens libre d’utiliser toute source d’information pourvu que l’information que je relaye soit correctement étayée. Vous ne me reprocherez donc pas de discuter avec une personne, ou de citer une source plutôt qu’une autre.

2.3. Choquer, me tromper. Il peut m’arriver de prendre une position que certains trouvent choquante sur un sujet ou un fait d’actualité. J’estime que ces positions ne doivent pas servir à me résumer, et vous reconnaissez mon droit à avoir tort ou à faire des erreurs, sous réserve de l’application des articles 1.4 et 1.9.

2.4. Parler en mon nom propre et non celui de mon employeur. Les propos que je tiens n’engagent que ma personne et non mon employeur. J’ai le droit de prendre des positions personnelles que ne partagent pas mon entreprise ou mes collègues. Je résiste aux tentatives d’incitation à l’autocensure consistant à invoquer le nom de mon employeur dans l’espoir qu’il me sanctionne directement ou indirectement pour les propos que je tiens en mon nom personnel. Vous vous abstenez de citer mon employeur lorsque vous n’êtes pas d’accord avec moi.

6 thoughts on “Ma charte éthique Twitter contre le harcèlement et pour des débats constructifs”

  1. Belle initiative – qui déborde du cadre de Twitter et peut être utile dans toute discussion…

    L’étiquette traditionnelle de Twitter qui consiste à systématiquement user du pseudo de ceux dont on parle permet en principe de mesurer ses propos. Je reconnais que même dans ce cas, les trolls n’ont pas – par définition – cette délicatesse : ce sont ceux dont, comme tu l’évoques on est libéré de l’obligation de leur répondre…

    Une remarque : la citation commentée (belle innovation au Twitter originel) est très utile aussi simplement pour mettre en valeur un tweet dont la titraille (ou le contenu lié) ne semble pas mettre bien en évidence la « substantifique moelle ». Elle apporte alors une véritable plus value…

  2. Excellent ! Je suis impressionné, mais je ne devrais pas : cette charte, c’est tout toi : aller au fond des choses, trouver ce qui a du sens, le structurer, le partager.

  3. Mon sentiment premier est que c’est brillant, que c’est là un outil qui peut vraiment servir à faire d’un média social un espace où l’on est moins dans la défense des ego que dans l’échange des idées (l’ego est toujours un élément important de toute discussion en public).

    Ce qui me questionne, c’est de savoir à quel point cette charte est liée aux échanges que tu souhaites avoir et à quel point elle est nécessaire parce que Twitter.

    Je peux retrouver les sources (T. Harris, etc.), mais je pars du principe que Twitter, par son algorithme d’affichage du fil, favorise les tweets provoquant des réactions émotives fortes, la colère étant la première d’entre elles. En gros, Twitter « récompense » les tweets qui poussent au drama par des fav, des RT et de la visibilité, et nous éduque donc à publier des posts qui poussent au drama.

    J’aimerais (et je le ferai probablement) prendre le temps de relire cette charte pour tenter de voir (selon moi et ma petite intuition, hein ^^), quels éléments peuvent s’appliquer à d’autres échanges exclusivement verbaux (où y’a pas de communication non verbale) et quels éléments sont là pour contre-carrer l’influence que l’algo de Twitter a sur nos comportements, émotions et réactions.

    Cette réflexion annexe mise à part, merci de cette démarche !

  4. Très bonne charte dans l’ensemble 🙂

    Le point 1.1. « Répondre directement aux tweets plutôt que de les citer » me gêne ; bien que tu soulèves des points importants (la « coupure » de conversation, car ça créé d’autres fils de discussion) je déplore que la citation de tweets soit si mal vue : tu évoques par exemple une question d’égo, et tu n’es pas le seul à y faire référence de sorte que dans l’inconscient collectif numérique la citation de tweets est même devenue source de moquerie. J’utilise beaucoup la citation de tweets et ça n’a rien à voir avec mon égo, c’est pour dynamiser ma TL et rendre les conversations plus visibles. Je tweete beaucoup, et je n’attends pas de mes abonnés qu’ils cliquent sur « tweets et réponses » pour lire religieusement chacun de mes tweets afin d’y trouver ce qui les intéresse : la citation de tweets permet d’afficher directement sur ma page de profil plusieurs conversations que j’ai tenu et auxquelles mes abonnés peuvent alors se joindre. Je retweete parfois mes propres réponses, dans le même but : c’est pas « Oh je suis tellement géniale que je vais me RT ! » (même si c’est vrai :D) c’est juste pour relancer un sujet dans ma TL.

    Le point 1.2 « Ne pas tweeter au détriment de quelqu’un » haha ^^ » Heu… JOKER ! Oui bon c’est certain que dans l’absolu c’est pas sympa, mais les réseaux sociaux n’ont pas que la fonction que tu leur prêtes dans cette charte (débattre), on est clairement là aussi pour se défouler. Twitter n’est originellement pas un « réseau social » à proprement parler, c’est du micro-blogging et les commentaires qui vont avec. L’intérêt c’est justement de pouvoir commenter librement et de ne pas toujours s’imposer les mêmes précautions et restrictions que IRL. IRL, on voit quelqu’un avec une coupe de cheveux horrible, on ne l’apostrophe pas « Tes cheveux devraient être interdits par la convention de Genève ! » même si on le pense. Sur Twitter en revanche on peut le dire ; c’est pas hyper sympa mais ça détend ^^ » Ça ne veut pas dire qu’on peut tout se permettre, et c’est justement définir une ligne rouge à ne pas franchir qui peut être difficile : on peut alors être tenté de ne s’en fixer aucune, ou de s’autocensurer en s’en fixant trop. J’essaie de trouver le bon équilibre entre les deux. Le « mieux » que j’ai trouvé pour l’instant c’est de relire mes tweets à froid, plusieurs heures ou jours après : si ça me fait toujours rire ou si c’est toujours pertinent je laisse, si je trouve ça trop hard, trop méchant ou déplacé je supprime.

    Le reste de ta charte en revanche : *applause* J’aime beaucoup.

  5. Très intéressante initiative !
    Très inspirante aussi.
    Même si j’ai une réserve sur la moquerie ou plutôt l’ironie moqueuse que je trouve plus adaptée à certaines circonstances que le débat argumenté… Bien évidemment, le harcèlement ou l’humiliation sont à proscrire…
    Je vais essayer de m’inspirer de cette charte pour mes propres actions.
    Bravo !

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