Qwant vu de l’intérieur

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler de mon employeur Qwant sur mon blog personnel. Ce n’était pas du tout l’objectif quand j’ai rouvert un blog (c’était même plutôt l’inverse), mais qu’importe. Il faut bien des exceptions pour faire une règle. Si je le fais, c’est que je suis l’heureux témoin chaque jour du travail énorme fait par plus de 130 de mes collègues, que je suis extrêmement fier de ce que l’on arrive à faire avec des moyens dérisoires par rapport à la concurrence, et que je suis étonné de voir comment tout ça est parfois perçu de l’extérieur, notamment par une partie minoritaire d’anciens et respectés confrères journalistes. Je trouve le regard porté parfois étrangement sombre, sans bien comprendre pourquoi, à un point où c’est pour moi, de mon point de vue à moi, totalement irrationnel. Je me dis donc que vous pourriez être intéressés de lire ce point de vue d’un « insider ».

Quand j’ai rejoint Qwant il y a moins de trois ans pour défendre la possibilité d’un moteur de recherche éthique qui ne collecte pas les données de ses utilisateurs, nous n’étions pas encore 50 salariés et tout le monde me traitait de fou. J’ai fait mon entretien d’embauche à Paris dans une cuisine, qui était la salle de réunion improvisée d’un appartement sombre qui nous servait de bureau. Le gros des équipes techniques dédiées au front-end était à Nice, l’appartement accueillant principalement du personnel administratif et financier, et un embryon d’équipe commerciale et marketing. A Rouen, une petite équipe de hackers de talent était chargée de tout ce qui est serveurs et sécurisation. Je ne sais plus combien nous avions d’utilisateurs à l’époque, mais quasiment personne dans mon entourage n’utilisait Qwant, et surtout pas grand monde n’y croyait. Nous, si.

Nous y avons toujours cru, et nous y croyons plus que jamais.

Pourquoi ? Parce que trois ans plus tard, je ne croise quasiment plus personne qui ne connaît pas Qwant. J’en croise même énormément qui l’utilisent par défaut, qui sont fiers de me montrer leur téléphone où ils ont installé l’application. Ces trois dernières années, Qwant a rendu les clés de son appartement parisien pour investir un immeuble lumineux de cinq étages qui accueille une équipe R&D de haut niveau, des designers, des ingénieurs, des comptables, des communicants, … Aux équipes de Nice, Rouen et Paris sont venues s’ajouter celles d’Ajaccio, Epinal, Frankfort, Milan. Des gens de très grand talent et d’une expérience incroyable nous ont rejoint, aussi bien dans les équipes techniques que dans la direction ou le support marketing et commercial. Le numéro 2 mondial de Microsoft est venu personnellement à Paris présenter un accord inédit permettant à Qwant d’accélérer son développement technologique tout en respectant nos engagements non négociables de protection de la vie privée. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais c’est énorme et ça a demandé beaucoup, beaucoup de travail. Nos capacités à fournir des résultats de qualité ont été démultipliées avec la mise au point de nouveaux moteurs d’indexation du Web et la multiplication par cinq du nombre de nos serveurs, en attend même les nouvelles ressources offertes par Azure (sur des données exclusivement non personnelles, je le rappelle).

De très grandes entreprises sensibles à la confidentialité de leurs recherches ont fait de Qwant leur moteur de recherche par défaut, comme Thalès, Safran, BNP Paribas, Allianz, France Télévisions,…  On ne compte plus les villes, les départements et les régions qui ont basculé toute leur administration sur Qwant. L’Etat, de plus en plus conscient des enjeux et en soutien d’une alternative française et européenne aux géants mondiaux, a déployé Qwant dans de grands ministères comme ceux des Armées, de la Culture, l’Education nationale… Qwant Junior est utilisé par des millions d’enfants à l’école. Le grand public adopte Qwant à une vitesse jamais vue nulle part ailleurs. Le moteur dépasse aujourd’hui les 100 millions de visites par mois, les courbes de fréquentation s’envolent, et le géant qu’on disait intouchable ne nous ignore plus. Pour la première fois en Europe, il s’inquiète et il mord.

Même les coups bas qu’il donnait auparavant en coulisses – ou qu’il faisait donner – pour tenter de nous discréditer deviennent désormais publics, lorsque le lobbyiste en chef de Google s’amuse de notre imperfection (pardonnez-nous de ne pas encore être parfait avec nos quelques millions d’euros) :

Sur le plan technologique, rien que ces dernières semaines Qwant a présenté son futur moteur de recherche d’images basé sur une IA de pointe développée spécialement par nos équipes (lire ici leur travail de recherche), qui a des résultats épatants que j’ai hâte de voir déployé à grande échelle. Nous avons lancé Qwant Causes qu’il suffit d’activer en un clic pour reverser à des associations 100% des revenus supplémentaires généré chaque mois. Nous avons lancé notre service de cartographie Qwant Maps qui crée une synergie formidable avec la communauté OpenStreetMap. Partout dans le monde la presse en a parlé, en France, en Argentine, dans le monde arabe, en Italie, en Allemagne, en Chine, aux Etats-Unis… Nous avons profité du lancement de Qwant Maps pour lancer un projet qui me tenait particulièrement à cœur, Masq By Qwant, qui est une technologie open source qui permet de personnaliser des services en ligne sans avoir à collecter des données persos, grâce à un stockage local, chiffré, sécurisé et bientôt synchronisable des données. Ca peut paraître anecdotique si vous lisez rapidement, mais c’est en fait un vrai changement de paradigme. Combien de fois avez-vous lu jusqu’à présent que les services avaient besoin de collecter vos données pour offrir une expérience personnalisée qui réponde à vos besoins et non à ceux du voisin ? Avec Masq, Qwant prouve que l’on peut faire autrement ! Et nous sommes très excités à l’idée de continuer à le développer et de l’intégrer dans tous nos produits à l’avenir.

Bien sûr, tout n’est pas luxe, calme et volupté. Qwant est une startup qui apprend jour après jour à grossir, et nous faisons des erreurs. Parfois nous sommes trop lents. Parfois trop rapides. Parfois on prend des virages, parfois on se prend des murs. On fait des heureux et des mécontents, en interne comme en externe. Mais on reprend toujours le bon cap, qui n’a pas varié d’un iota : fournir aux internautes des services utiles pour leur vie quotidienne qui ne nous permettent pas de connaître quoi que ce soit de cette vie, et avancer vers une souveraineté technologique européenne.

Je suis super fier du travail accompli, et j’ai hâte de voir ce que nous allons faire ces prochaines années avec les talents qui nous ont rejoints. Nous avons déjà des choses géniales en préparation et d’autres qui commencent à germer.

15 thoughts on “Qwant vu de l’intérieur”

  1. Faire ce à quoi vous croyez et contribuer à le faire avancer tant que le sens et le fond y est : C’est l’essentiel et c’est ce dont les citoyen Européens ont besoin, celui de pouvoir contribuer, décider et influencer notre demain.

    Il est si facile de détruire et critiquer et si difficile de faire et construire que chaque petit pas est une victoire ou l’on réussi ou alors l’on apprend.

    La concurrence internationale a tout intérêt à votre échec ou mauvaise presse et leur influence est titanesque. La tentation de ne pas y croire est facile et grande, c’est ce qui doit nous faire justement prendre conscience que c’est important de rester constant et accélérer.

    L’ingénierie européenne est de haut niveau, nous ne pouvons nous contenter de n’être qu’un marché pour le reste du Monde. Pour rester libre, il faut être acteur et faire. Notre intérêt collectif est de soutenir tous ceux qui font et qui osent.

    Maintenant, là où Qwant est attendu est sur sa diversification car la Privacy ne se limite pas au moteur de recherches. Et la Privacy ne peut se garantir dans les antres d’un Titan qui déciderait seul. La clé pour l’Europe est de faire différent en misant sur une alliance d’acteurs (Grands et pure players) en EU pour justement rester flexible et garantir ce respect des données.

    La dynamique doit être collective et il faudrait aller d’autres partenaires EU bienveillants apportant des valeurs fortes amplifier de manière exponentielle par l’alliance au sein d’une communauté vivante. Je pense ici un peu à ce que disait
    Octave Klabap d’OVH.

    J’attends beaucoup de ces partenariats EU !

  2. C’est interessant de voir une alternative. Reste à voir comment elle se finance. Quel est le « business model » ? Sur quoi Qwant gagne de l’argent ?

    Sinon, vous êtes nouveaux, mais vous avez pas ipv6 ? Pourquoi ne pas demarrer directement avec ?

  3. Salut,

    C’est une bonne chose que l’entreprise évolue et que tu sois fière de ce que tu fais, bravo.

    Néanmoins Qwant est à toujours été loin d’un moteur de recherche qui protège et garantie la vie privée de ses utilisateurs.

    Malheureusement, puisque tu n’as pas à proprement parlé un profil technique, tu ne te rends peut-être pas suffisamment compte à quelle point Microsoft est un partenariat toxique, Qwant n’est aujourd’hui ni plus ni moins qu’un Bing rebrandé et se vantant d’être français… Oui c’est triste comme constat, mais c’est la réalité…

    (PS : Pour la faire courte, je résumerai très rapidement avec un lien pourquoi mes collègues de profession et moi-même n’utiliserons pas Qwant : https://tuxicoman.jesuislibre.net/2019/06/qwant-et-la-publicite.html)

    1. Dans votre blog vous montrez des pubs s’affichant sur la recherche « Chaussures de sport ». Dans mon cas, je n’ai rien, et je ne suis pas seul au vu des commentaires.
      Votre remarque sur François Fillon, dont on ne voit pas les ennuis judiciaires dans les premiers résultats de recherche (et alors ?), est particulièrement désobligeante et étayée d’aucune preuve : carton rouge !
      Si vous n’utilisez pas Qwant, qu’avez-vous choisi ? Google ? Bing ? hum…
      Votre argumentaire aurait autrement plus de force si vous compariez le premier au second.
      Pour le moment, je suis désolé de vous dire que la visite de votre blog n’a aucun intérêt.

  4. Ah je vois qu’il y a enfin un mode sombre et une interface qui permet de n’avoir qu’une colonne (l’interface multi colonne d’avant me rebutait vraiment).

    J’utilise DuckDuck mais je vais peut être retenter Qwant. Je n’ai jamais réussi à avoir de réponse sur l’interfacage de Qwant avec les boîtes noires françaises. Qu’en est-il ?

  5. Donc vous avez pas de thunes mais vous avez des tas de truc branding qwant completement useless.

    Vous ouvrez des labos pour faire de l’informatique dans des grandes villes pour pour un truc qui pourrait être fait en remote ?

    L’open source est cité mais je ne vois pas d’implementation trouvable pour le papier de recherche (j’ai sans doute mal cherché). Il y a bien un truc en open source mais c’est du js qui tourne coté client.

    Attention je pense que vous faites au mieux pour atteindre vos objectifs. Le «problème» (a mon sens c est un avantage) c’est que votre public, votre objectif c’est la vie privée et du coup il s’agit de gens regardant et qui vont aussi voir la technique, utiliser la méthode scientifique et sont assez loin de tout ce qui est marketing si ce n’est pour le débunker.

    Autre remarque vous avez plein de gens mais du coup vous perdez énormément de tps/d’argents https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Brooks

    Bref corrigez le tir, j’ai toute confiance dans le fait que cette situation est temporaire si cela ne devait pas être le cas vous seriez de toute façon remplacé.

  6. Il y a toujours des râleurs par définition, des mégoteurs par principe (les ceusses qui s’y connaissent et autres puristes – je précise à ceux-là que je suis un libriste très très puriste, donc sans aucun Windows, sans aucun Google, twitter ou FB trucs, sans applis Google Play sur mon mobile, etc.) et on peut sans doute reprocher diverses choses à Qwant, mais entre utiliser Google, Bing ou Qwant, il n’y a pas photo, je préfère Qwant pour ma vie privée et l’utilise depuis un bon bout de temps (même s’il m’arrive d’utiliser DuckDuckGo quand les résultats sont un peu courts, mais cela va en s’améliorant). Donc, merci pour le billet et tout le boulot, tenez bon et si vous deviez vous dévoyer, là, oui, je vous quitterai !

  7. Bon courage, Guillaume
    J’observe que la plupart des commentaires coupent les « cheveux en quatre », plus ou moins de bonne foi (plutôt moins) avec de rares exceptions, pendant que nos « autorités » rechargent leur LDB40 (et bientôt leur fusils d’assaut), collectent les fichiers de façon compulsive, restreignent nos libertés à travers lois anti-casseurs, anti-fake news, et maintenant contre la presse sans que nos commentateurs ne lèvent le petit doigt…
    J’imagine que c’est ça le « France éternelle »…

    Votre combat est juste.
    Bonne continuation

    Emaux

  8. Qwant est top je l’utilise régulièrement et j’ai sincèrement envie que ça marche,malgré vos prises de position personnelles auxquelles on peut ne pas adhérer ,votre côté donneur de leçon,votre militantisme geignard.mais il faut du courage et de la conviction pour rester quand on vous lit,à titre personnel ,comme vous dites

  9. Pur bullshit…derrière, ce sont des petits accords secrets avec Microsoft…un déluge de subventions pour entretenir un mirage…le seul but de qwant comme dans beaucoup d’autres domaines c’est de prendre un peu de pognon là où il y en a…

    1. Les accords avec Microsoft n’ont rien de secret puisqu’ils ont été annoncé publiquement. Quant à leur nature, en intelligence économique on appellerait cela une logique de coopétition (coopération / compétition). Cela est courant dans nombre de secteurs stratégiques (aéronautique, énergie, industrie automobile etc…) et n’a rien de honteux. D’ailleurs, si Microsoft se rapproche du monde du logiciel libre et du business de la ‘privacy’ c’est que cette société a bien compris leur potentiel de croissance.
      Quant au fait que Qwant cherche à faire de l’argent, rien d’anormal, Duckduckgo et Startpage font de même.

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